La première problématique est celle des acteurs de la production de l’ordre et des enjeux qui animent la définition des politiques de sécurité qu’ils mettent en œuvre. Dans cette partie, on montre que acteurs et acteurs privés sont animés par des logiques différentes qui dépendent des enjeux de leurs commanditaires. La police a des enjeux d’ordre public, qui la conduit à mener des politiques de sécurité bien spécifiques. Les centres commerciaux et les compagnies ferroviaires ont des enjeux commerciaux, qui les conduisent à mener des politiques différentes. La situation de concurrence sur le même espace crée des tensions qui sont résolues différemment en France et en Italie en fonction du contexte institutionnel.
La deuxième problématique est celle des relations de pouvoir qui se jouent au niveau micro sur chaque espace entre les acteurs de la production de l’ordre et les populations considérées comme potentiellement menaçantes pour l’ordre. L’enquête de terrain montre que la plupart de ces populations parviennent à instaurer un rapport de force qui contraint les organisations dans la mise en œuvre des politiques de sécurité. Les politiques de sécurité réellement mises en oeuvre ne sont donc pas seulement définies par des organisations, elles sont aussi le produit des interactions quotidiennes au niveau micro entre acteurs de la production de l’ordre et populations déviantes.
La troisième problématique est celle des groupes-cibles des acteurs de la production de l’ordre. A Lyon et à Milan, dans les deux gares et les deux centres commerciaux, les populations considérées comme menaçantes sont invariablement les immigrés en Italie et les enfants des immigrés en France. Ce constat pose un problème d’interprétation : s’agit-il d’une réponse fonctionnelle à une sur-délinquance ou à la sur-criminalisation d’un groupe social ? Les données du terrain montrent que la question ne se réduit pas à une sur-délinquance des immigrés, ni à un effet de structure du marché du travail. Dans les deux pays, les entretiens révèlent la mise en œuvre de classifications « eux » / « nous » par rapport aux immigrés. L’incrimination des immigrés n’est donc pas qu’un effet de logiques d’acteurs rationnels. Ce travail suggère donc de formuler une hypothèse fonctionnaliste de l’incrimination des immigrés : dans des sociétés européennes en recomposition, assimiler immigration et criminalité permettrait de raffermir la solidarité du groupe majoritaire.
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